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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 13:42


 


Bethleem, dimanche 11 avril 2010,


Mercredi 7 avril : Dans la rue Otman Ben Affah de Sheikh Jarrah, quartier de Jérusalem-Est, la résistance à la colonisation s’intensifie.

Les internationaux assurent une présence permanente afin de protéger les maisons palestiniennes. Les colons tentent en effet d’en prendre possession depuis huit mois. Les média commencent à s’intéresser à ce cas, devenu un emblème du travail entre palestiniens, anticolonialistes israéliens et militants internationaux.

Nous reconnaissons, entre autres, les caméras d’Al Jazeera et Rafah. Nous rencontrons la correspondante en Palestine d’une grande radio française,(?) qui ne se fait pas d’illusion sur la diffusion de son reportage.


Selon ses supérieurs : -"C’est toujours pareil depuis longtemps et ça n’intéresse pas les gens." L’opinion publique à bon dos pour ceux qui la fabriquent.

Les journalistes d’une chaîne de propagande israélienne sont aussi présents. Leur but : réaliser un reportage sur la vie des colons...


Il est 13h, et les premières tensions apparaissent. L’interview d’un colon commence. Un palestinien entre dans sa voiture et appuie longuement sur son klaxon afin de rendre inaudible son oppresseur. Les caméras s’arrêtent.


La scène se répète plusieurs fois jusqu’à ce que le "journaliste" propose de monter en spectacle la confrontation entre les habitants de la ville et ceux qui veulent les en chasser.

Une échauffourée survient. Les caméramen se mettent à filmer. 30 secondes pour convaincre. Pas le temps d’expliquer quoi que ce soit, de sortir le titre de propriété de la maison volée ou de citer les lois. Le plus habile aura raison.


Retour au duel. Pendant ce temps, Rafah, première chaine palestinienne ; filme des enfants ... Les colons semblent avoir une poussée d’adrénaline après cette brève confrontation. Première incursion de la journée dans une maison palestinienne. Celle où la résistance s’organise. Nous filmons. Baptiste, un des quatre membres de Sud-Etudiant, s’adresse à eux : -"Voleur !", "Honte à toi !".  


Dans la demie heure qui suit, une quinzaine de militants internationaux et des anarchistes israéliens se joignent à nous.

Pour montrer que la vie continue, les propriétaires de la maison commencent à planter des arbustes. Les colons sont scandalisés. Ils s’introduisent de nouveaux dans le jardin et décident de filmer la scène.

La tension continue de monter. Chacun sort sa caméra ou son appareil photo, les anticolonialistes filment les colons, et réciproquement. Chacun met sa main devant l’appareil de l’autre.


Des militants de SUD-Etudiant participent à l’échauffourée, et hurlent sur les colons. -"Dégagez !"


L’une d’entre nous, Katia, se met sur le chemin d’un colon qui s’apprête à rentrer dans la maison. Elle l’empêche d’avancer.


Un autre d’entre nous, Vivian, avance vers un autre colon. Il l’oblige à reculer sur plusieurs mètres. Le colon se retrouve acculé à l’entrée du bâtiment qu’ils occupent depuis en en avoir expulsé ses habitants il y a quatre mois.


Le colon commence à insulter Vivian. L’échange est aberrant.


-"Tu es en Palestine."

-"T’es un allemand."

-"Quoi ?"

-"’T’es un Nazi !"

-"Non..."

-"Ton grand père à tué des juifs lors de l’Holocauste"

-"C’est stupide... Des juifs sont avec nous."

-"Vous êtes comme les nazis. Les palestiniens et les nazis ont tués des juifs. Vous avez les mêmes idées que les nazis... C’est notre pays. La terre du peuple juif."

-"Mais il y a des juifs avec nous !"

-"Tu mens."

-"Il y a des juifs antisionistes. Tu le sais."

-"Tu es antisioniste ? T’es un nazi. Rentre dans ton pays. Dégage !" "

-Mais tu es en Palestine..."

-"Il n’y a pas de Palestine."

-"Le peuple palestinien à droit à un Etat"

-"Non. Aucun droit. Tu as lu la Bible?"

-"Mais je m’en fous de la Bible !"

-"Tu te fous de la Bible ?" "

-Oui ! Je m’en fous ! Je ne suis pas croyant ! Je te parle du peuple"

-"’Retourne dans ton pays !"


Le sionisme, qui voulait à l’origine inventer le judaïsme laïque,(?) prospère depuis longtemps sur l’intégrisme religieux.


La discussion s’arrête là. Vivian et les deux camarades qui l’ont rejoint pour réagir en cas de violence rentrent dans la maison palestinienne. Les colons ont disparu. Mohamed, le propriétaire de la maison, nous invite à manger chez lui ce soir.

-"On fait un grand repas tous les mercredis ; venez si vous voulez. C’est toujours très sympa. On accepte tout le monde, ici. Des arabes, des juifs des internationaux."

Nous le remercions. Nous y serons.


Une demie heure plus tard, nouvelle incursion coloniale. Les salauds veulent nous avoir à l’usure. Ils attendent le moment où, excédés, les palestiniens fuiront.

La scène est quasiment identique. Les appareils photos et caméras, les mains devant les objectifs, les bousculades, etc. Les menaces pleuvent... en hébreux.

Un enfant jette une pierre, qui frôle un colon. Sa mère l’engueule. Un quart d’heure plus tard, les colons s’en vont.


On installe un toboggan et une balançoire dans le jardin. Un habitant du quartier remercie Vivian "de son courage". Il ne comprend pas très bien pourquoi, ne pensant pas risquer grand chose. Mohamed nous dit de nous méfier.

Le mieux que nous ayons à faire est de raconter à notre retour ce que nous avons vu.

Une demie heure plus tard, la police israélienne arrive dans la rue. Les militants de SUD restent en retrait.

A l’heure arrivée dans le jardin, un colon montre Vivian et Katia du doigt. Le flic s’adresse à eux. Ils ne comprennent pas l' hébreux.

-"Passeport !"

Un camarade danois vient vers eux : -"Ne vous en faites pas. Ils vont vous les rendre". Dix minutes plus tard, rien de rendu. Ils comprennent:

-"Ils vont nous embarquer, les cons". Mikhail, un des leaders des Anarchistes israéliens Contre le Mur, accourt :

 

-"Ne vous en faites pas. Vous n’avez rien fait. Vous ne risquez rien. On va faire tout notre possible pour vous aider. Refusez de parler et ne signez rien avant d’avoir vu un avocat. Exigez qu’ils préviennent le consulat français."

Ils ont juste le temps de se débarrasser de leur affaires "compromettantes" (appareils photos, compte rendu d’interview de militants pacifistes, keffiehs) avant de se faire embarquer.

Il est 16h30 quand ils sont dans la voiture de police. Al Jazeera et Rafah les filment. Les habitants de la rue et ceux qui les soutiennent se massent autour de la voiture, et leur sourient. Les flics les menacent. Ils reculent. La voiture démarre.

 

Les voici au commissariat :


-"C’est votre première fois en Israël ?"

Ne surtout pas répondre qu’ils étaient en territoire palestinien.

-"Le juif a dit que vous l’avez frappé".

Ne surtout pas faire remarquer qu’il n’y a qu’en Israël que l’on peut voir en quelqu’un un juif avant de voir un être humain. Et que c’est en inventant un lien entre les "juifs" et cette politique raciste que certaines personnes simples d’esprit tombent dans le piège de l’antisémitisme. "

-Regardez les vidéos et vous verrez que non."

-"Ce n’est pas mon affaire, c’est un autre policier qui vous interrogera", nous dit la policière qui ne sert apparemment qu’à participer aux interpellations et à servir le café à ses collègues masculins.

Le moment de l’interrogatoire arrive pour Vivian. Il refuse que celui-ci se passe en anglais et exige un traducteur. Il explique au traducteur qu’il veut voir un avocat. Il lui répond : "

-"C’est à toi de l’appeler." Vivian appelle ses camarades israéliens qui lui promettent de le rappeler dans les 10 minutes pour lui donner le numéro d’un avocat.

Le flic refuse d’attendre:

-"Vous pouvez très bien ne pas répondre aux questions, mais cela pourra être un argument contre vous."

Vivian décrit alors ce qui s’est passé, insiste sur les provocations des colons, affirme que les personnes qui se sont défendues contre l’incursion étaient les propriétaires du lieu, ou leurs invités. Il suffit de s’intéresser aux organisations dont sont membres les militants pour savoir qu’il serait infondé de faire d’un seul de ces militants des personnes violentes ou antisémites.

-"Une pierre a été jetée sur le juif. Qu’en pensez vous ?"

Invoquer la défense légitime ou le droit international, qui garantit le droit de résister à une occupation militaire, serait contre productif. Reste le choix entre dire qu’il considère cet acte comme illégitime, et dire qu’il n’a rien vu. Entre ces deux mensonges, il choisit le plus moral :

-"Je ne suis pas au courant."

"On vous voit pousser violemment l’appareil dans la figure du juif. Que répondez vous ?"

L’accusation a changé. Était-ce une manœuvre pour déstabiliser ? Les flics sont-ils obligés d’édulcorer le témoignage du colon après s’être aperçus qu’il avait menti ? "

-"C’est faux. Je l’ai juste empêché de filmer, en mettant la main devant l’objectif."

-"Pourquoi l’avez vous empêché de filmer ?"

-"Parce qu’il n’a pas à rentrer chez ses voisins pour filmer leurs enfants."

-"Votre amie a bousculé le juif ..."

-"Rien vu de tel."

Prélèvement ADN avant que l’interrogatoire ne se termine. Vivian signe la retranscription de sa déclaration, en hébreux et en arabe, après s’être assuré que l’enregistrement serait écouté si ces propos étaient déformés.


L’interrogatoire de Katia commence, après qu’elle se soit vue refuser le droit d’aller aux toilettes. Peut-être espèrent-ils qu’elle avouera n’importe quoi pour que l’interrogatoire se termine.


Les questions, et les réponses, sont sensiblement les mêmes.


Elle refuse de signer une déclaration en anglais car elle ne la comprend pas. L’interrogatoire se termine. Elle sort. Vivian lui traduit la déclaration.

Elle doit insister pendant plusieurs minutes pour la signer. Le flic est déçu : Pas de faille dans l’attitude des deux militants.


Après deux heures d’attente, et avoir exigé que le consulat soit mis au courant, le flic informe Vivian et Katia que leur camarade Mikhail lui a téléphoné.


Leur avocate sera la très célèbre Leah Tzehem, qui défend un certain nombre de prisonniers politiques. Ils ne savent pas s’il est rassurant d’avoir une avocate aussi prestigieuse, ou angoissant qu’elle se soit intéressée à ce dossier.

Ils passeront la nuit en prison, et seront jugés le lendemain en comparution immédiate.

Les voilà menottés. Aux poignets et aux chevilles. Stupéfaction.

-"Ça vous plait ?" 

Il y a toujours un flic plus con que les autres...


Quelques minutes plus tard, Vivian regrette de n’avoir pas répondu que son ex petit ami lui en a déjà fait porter, et que c’est toujours très excitant. Arrivés trois heures auparavant dans une simple voiture de police et sans menottes, et bien que les flics aient visionné les documents prouvant leur innocence, Vivian part en prison, à Jerusalem.


Katia reste pendant plusieurs heures dans le hall du commissariat. Katia doit manger avec ses menottes. Difficile, dans ces conditions, d’étaler un beurre de merde sur une brioche dégueulasse avec une cuillère en plastique. Deux heures plus tard, Leah Tzehem arrive.


Elle est accompagnée de Daniel, un des Anarchistes Contre le Mur.

L’endroit où elle est assise depuis des heures, sans droit de boire, est hors du champ de vision des flics.

Tout doit se faire très rapidement. Katia explique la situation à son avocate, qui lui dit que tout va bien se passer. Elle monte voir les flics à l’étage pour demander la libération de sa cliente.

Pendant ce temps, des flics déplacent Katia et le banc où elle est assise, pour garder l’ oeil sur elle. Là voilà désormais assise devant l’entrée, dans le froid.. Quand Leah redescent, les flics l’empêchent de parler à Katia en gueulant. LeahDaniel est exténué : -"C’est des putains de connards !" Angoissant. Elle s's’engueule avec les flics, soldats et autres matons.

 

Le trajet entre Jérusalem et la prison pour femmes de Ramlet dure plusieurs heures.


Quant à lui, Vivian est transporté dans la cage d’un fourgon blindé. On lui enlève les menottes pour manger, puis on les lui remet dès qu’il a fini ; au cas où il voudrait arracher la porte du fourgon avant de s’enfuir ... malgré ses menottes aux chevilles. Arrivé au Centre de détention de Jerusalem, Vivian doit de nouveau donner ses empreintes.


Un soldat le fixe, et baisse les yeux après un rapport de force de plusieurs minutes. Après qu’on a constaté que la taille de Vivian est d’un mètre quatre-vingt-huit, le soldat, à peu près aussi grand que lui, se mesure. Vivian attend le bras de fer, ou le concours de bites qui les départagera.


-"T’es musulman ?"

-"Non, chrétien." (?)

La pertinence de cette question est à trouver. Leah Tzehem arrive.

-"Bonjour Vivian, je suis votre avocate. Surtout ne signez rien. Et n’avouez pas !"  


Elle est expulsée manu-militari, et revient. L’engueulade est violente.


-"Je risque quelque chose de grave ? Je suis suspecté d’autre chose que de ce dont ils m’ont parlé ? Pourquoi est ce qu’ils me traitent comme ça ?"

-"N’ayez pas peur. Il n’y a rien contre vous. C’est juste qu’ils n’aiment pas les manifs, et qu’ils veulent vous impressionner. Mais ça sera fini demain. Bon courage !"


Daniel, le camarade israélien, est là aussi. Vivian est ému.

-"Merci à toi d’être venu. Et merci pour l’avocate. Bravo Leah pour ton courage. On connaissait déjà ton travail, qui nous inspire beaucoup de respect ..."


Le flic est mal à l’aise.


-"Vous devez savoir une chose. On ne vous empêche pas de voir votre avocate. Vous devez juste vous voir dans un bureau de la prison. Il y a des règles."

-"Et pourquoi est-ce qu’elle n’a pas demandé une entrevue ? Pourquoi a-t-elle du entrer dans la pièce de force ?" "

-Je pense qu’elle n’a pas le temps. Ou qu’elle est pressée de rentrer chez elle."

-"Je peux l’appeler pour être sûr ?"

-"Euh ... oui."

-"Vous me passez un téléphone ?"

-"Attendez cinq minutes..."

Le flic s’en va. Et ne reviendra pas. Vivian rapporte cette discussion au maton situé à "l’accueil"."

-"Pas ce soir, vous verrez votre avocate demain."

Vivian doit donner ses objets personnels. On lui demande de signer une feuille. Il refuse.

-"Pourquoi ?"

-"Parce que je ne lis ni l’hébreux ni l’arabe, et que mon avocate m’a dit de ne rien signer."


Les matons rient, se tapent sur le ventre, se grattent les couilles, puis appellent l’avocat d’autres prisonniers. Il explique à Vivian que ce n’est que la liste de ses objets ... Il signe. Vivian a ordre de se déshabiller afin d’être fouillé.

Le maton enfile des gants.


L’angoisse monte. Où va-il mettre les mains ? Tout se passe bien, fausse alerte.


Entrevue avec le médecin :


-"Avez vous des problèmes de santé ?" "

-Non"

-"Avez vous des problèmes psychiatriques ?"

-"Non"

-"Avez vous envie de vous suicider ?"

-"Non".


Katia subira les mêmes questions brutales. Ces médecins pensent-ils réellement pousser les prisonniers à se confier ?


On demande à Katia sa religion. Plus courageuse, elle dit qu’elle est Athée.

Regard désapprobateur. Elle n’a pas compris qu’on se fout de ses croyances, et qu’on lui demandait la "race" à laquelle elle appartient.

Arrivés dans leurs cellules respectives, où une douzaine de personnes est entassée dans quinze mètres carrés, Katia et Vivian doivent expliquer de quoi ils sont accusés.

Ils restent évasifs.


Un des codétenus de Vivian s’adresse à lui en français.

-"Ne t’en fais pas, demain tu seras dehors"

-"J’espère ... Il est quelle heure ?"

-"On n’en sait rien. On ne voit pas la lumière du jour, on n’a pas de pendule, pas de télé. On n’a aucun contact avec l’extérieur. On est coupés du monde, et on ne fait rien de nos journées."


Ici, le temps, qui est par définition une succession de phénoèmes, se voit dilué dans l’inaction.

L’interlocuteur de Vivian est un franco-israélien, sioniste convaincu, "emprisonné pour [s]’être disputé avec [sa] femme". Se forcer à ne pas juger.


D’autres personnes le feront. Contrairement à ce que sa vision stéréotypée de la prison lui faisait redouter, Vivian n’est pas tabassé, ni violé.


Dans la cellule de Katia, il faut savoir s’imposer. Ça se bouscule, ça gueule.

Les deux militants dorment très mal, à cause du bruit.


Les prisonniers n’ont pas d’autres moyens d’exister que de hurler ou de frapper contre les murs. La majorité d’entre eux est ici pour des petits larcins. Contrairement à ce que veut la tradition humaniste, ici, la sanction exclue plus qu’elle ne permet une réinsertion.(?)

Baptiste et Malika ont passé la soirée à Sheikh Jarrah. Ils ont pu observer de nouvelles incursions des colons. Un enfant palestinien s’est cogné violemment et a pleuré pendant plusieurs minutes.

Les colons riaient sadiquement en le filmant.


Le lendemain, vers cinq heures, le réveil est brutal. L’institution totalitaire garde le contrôle.

 

Promenade avec menottes pour Katia. Vivian et ses codétenus sont menottés au moment de sortir de la prison pour aller au tribunal.

Vivian se casse la gueule à la sortie du fourgon à cause des menottes qu’il portent aux chevilles.

Chacun est enfermé dans une geôle de six mètres carrés, avec une quinzaine d’autre personnes. Les "arabes" et les "juifs" sont séparés les uns des autres.

Ils comprennent enfin pourquoi on a demandé leur religion. Considérés comme chrétiens, ils sont enfermés avec les "juifs". Ils n’ont pas eu le droit de se voir depuis la veille.

Chacun s’inquiète pour l’autre.

-"Tu es contre les juifs ?" demande-t-on à Vivian, qui n’ose pas répondre: "non, contre le sionisme" ou "seulement contre ton Etat raciste.".

Il explique que chaque peuple a droit à un État, que les deux peuples doivent vivre en paix, etc.

Un détenu traduit de l’anglais à l’hébreux. Le mot "shalom" fait beaucoup rire.

Les réponses sont délirantes:


-"On ne coupe un Etat en deux. Qu’ils aillent vivre en Égypte ou en Jordanie",

-"Les palestiniens sont des meurtriers",

-"On ne peut pas vivre avec les arabes",

-"Des juifs, ont habité à Sheikh Jarrah avant les palestiniens, ces maisons sont à nous !", etc.


Cependant, tout le monde connaît trop bien la prison. Personne ne souhaite que les deux camarades soient condamnés. "

-"Sois fort ! Tu vas sortir !" dit-on à Vivian

Plusieurs heures d’attente. Les horaires des procès ne sont pas communiqués.

Les prisonniers deviennent fous. Ça hurle en permanence.

Les geôles sont prêtes à imploser. Le petit déjeuner est infâme et les flics sont toujours aussi désagréables. Un univers ou le "s’il te plait" n’existe pas.


Certains prient depuis le réveil. Leur dieu est-il responsable des injustices ou impuissant devant celles-ci ?


Le seul chiotte est dans la geôle des palestiniens. Vivian y va.

Il remarque plusieurs tags sur les murs de cette cellule : "Fuck the appartheid", ou encore la faucille et le marteau.

Il se sent plus à l’aise ici. Evidemment, aucun peuple n’est par essence plus vertueux qu’un autre.

Les circonstances historiques poussent seulement les militants épris de justice à savoir de quel côté du mur ils se situent.

 

A son retour avec "les juifs", on lui demande comment il a pu rester de l’autre côté, et "s’il a vu que les arabes sont des merdes". Il répond qu’il ne comprend pas...


Au bout de cinq heures d’attente, Vivian est appelé. Il croise enfin Katia, et est accueilli par des représentants du Consulat de France à Jérusalem.  


-"Comment allez-vous ?"

 

Question à ne pas poser. Vivian sent les larmes monter. Une soldate le fixe, prête à jubiler. Rester digne. Il la fixe, et ne cède pas.


-"J’ai vu les images. Ne vous en faites pas, il n’y a rien."

-"Je sais. C’est juste difficile à supporter. Ils sont fous ..."

-"Vous savez aussi bien que moi qu’ils se croient tout permis, et qu’ils nous accuseraient d’antisémitisme si nous faisions la même chose à un israélien."


Cette clairvoyance est étonnante de la part du représentant d’un pays qui a récemment déroulé le tapis rouge à des criminels de guerre. Vivian informe le représentant du consulat qu’il n’a pas le droit de voir son avocate. Les militaires se voient reprocher cette atteinte au droit des détenus.

Katia a été déplacée. Elle est assise en face d’une quinzaine de garçons surexcités. La frustration est palpable. Katia rencontre les représentants du Consulat.

Peu après, Vivian a enfin droit à une entrevue avec leur nouvelle avocate, qui est l’assistance de Leah Tzehem.

La pièce prévue à cet effet est minuscule ; si bien que l’employée du consulat qui assure la traduction est dans le couloir. Cela permet aux militaires d’écouter la discussion. Vivian explique qu’on lui refuse le droit de voir un avocat depuis la veille.

L’assistante de Leah Tzehem est scandalisée.

La discussion doit s’arrêter au bout de quelques minutes.


-"Ne vous en faites pas, vous allez sortir. Il n’est requis qu’une interdiction de retourner à Sheikh Jarrah, et nous allons nous y opposer."

Une demie heure plus tard, les deux camarades sont amenés au lieu du procès.

Plusieurs militants israéliens, ainsi que Baptiste, se sont rassemblés en soutien.


-"Ça va ?"

-"Ils sont cinglés ...

-"Merci d’être venus !"

Baptiste essaie de prendre Katia et Vivian en photo, menottés. Une membre de l’armée l’engueule.


Une employée du Consulat doit s’improviser traductrice. Le procès offre plusieurs scènes comiques. Un flic affirme que, sur les images filmées par "le juif", on voit Vivian donner un coup dans caméra, et Katia bousculer "le juif" ... avant d’avouer n’avoir pas vu les images.


Un militant anticolonialiste israélien se lève et prête sa caméra à la juge, qui prend conNaissance des images. Après plusieurs minutes, Mikhail se lève.


-"Il y a toute la scène sur la vidéo. Passez là en mode accéléré pour la regarder entièrement."

L’avocate demande pourquoi les deux français n’ont pas pu voir leur avocat, et pourquoi aucun colon n’a été interpellé. Pas de réponse. Aucune peine n’est prononcée, hormis une "interdiction d’avoir un contact physique avec les colons".

Doivent-ils s’écarter du chemin de ces brutes pour ne pas les frôler lorsqu’ils retourneront persécuter les palestiniens ? Évidemment, aucune solution de fond n’est abordée pour que "Sheikh Jarrah retrouve le calme"


Vivian et Katia s’énervent lorsqu’on les menotte et les enferme de nouveau ... après avoir prononcé leur libération. Ils ne cessent de gueuler, malgré le courage du représentant de l’ État français qui laisse faire et déclare que :

-"Ce n’est pas le moment de s’énerver."


Après trente minutes d’énervement et de stress, les voilà libres, ce qui n’empêche pas la police de prendre une nouvelle fois les empreintes digitales des deux innocents.

Ils récupèrent une partie de leurs affaires. Vivian les remercie ironiquement, et leur dit au revoir ... en arabe. Éclats de rire des soldats.


Un des militaires les plus dégueulasses les croise à la sortie.

-"Vous êtes libres ?"

-"Ouais. T’es déçu Non?."


Vivian, Katia et Baptiste sont accueillis au commissariat où les affaires des deux forçats ont été déposées par un tonitruant "Allah Hakbar !" Après plusieurs minutes de mépris, ils récupèrent leurs affaires, hormis les deux livres de Katia (dont "Si c’est un homme" de Primo Levi ...), restés à la prison de Ramlet, à cinquante kilomètres de Jerusalem, avec la carte de visite de son avocate, qui lui avait été confisquée ...

Les trois partent pour Bethléem afin de rejoindre Malika, la quatrième membre du groupe. Elle a eu raison de ne pas annuler les rendez-vous prévus aujourd’hui.


Pouvoir marcher librement dans la rue fait un drôle d’effet à Katia et Vivian. Ils sont effrayés de s’être habitués aussi rapidement au manque de liberté. Hasard du calendrier, Malika a eu une entrevue avec l’association pour le droit des prisonniers, qui lui a expliqué le concept de "détention administrative" : le droit d’enfermer arbitrairement un palestinien pendant six mois "renouvelables" ; sans que son dossier, ni la raison de son inculpation ne lui soient communiqués.

L’enfermement de militants internationaux n’etonne pas les palestiniens, trop habitués aux persécutions de l’ État raciste d’Israël.

Le soir, à l’Alternative Information Center de Bethléem, nous rencontrons un journaliste palestinien, auteur d’un article sur les deux camarades.

Des anciens prisonniers politiques palestiniens nous raconteront les coups, les insectes dans la nourriture, le harcèlement moral quotidien, etc.


La majorité des palestiniens arrêtés pour des raisons politiques a entre seize et vingt ans ; fauchés en pleine jeunesse par un État dont le but premier est d’empêcher la construction de la Palestine.


La destruction des écoles et des centres culturels suit la même logique de sabotage. Tout comme l’asphyxie de l’économie palestinienne.


"La mission civile de solidarité" doit continuer normalement. Deux jours plus tard, les fermiers palestiniens nous expliquent qu’ils sont obligés de solliciter l’ État d’ Israël à chaque importation et exportation, à cause du contrôle du territoire palestinien. Ils répondent à cela par l’appel au boycott des produits israéliens.


La dichotomie entre la violence d’ État et la résistance pacifique nous frappe.

 

Le camp de réfugiés de Deisheh (à Béthléem) a pour but d’offrir une vie décente et un accès à la culture à chaque palestinien. Il fut détruit plusieurs fois pendant sa construction par l’armée d’occupation, ce qui lui vaut le surnom de "Phenix".


Nous dormons dans ce camp. Durant les deux dernières nuits, les murs ont tremblé à cause des tirs israéliens, dont personne ne connaît la cause officielle.

Deux jeunes palestiniens sont à l’hôpital, et un autre en prison.


Nous ne connaissons pas le motif de son inculpation. Il est probable que lui non plus.


Le directeur du centre d’Aida nous éclaire à propos de cette résistance pacifique :


-"La Résistance à l’occupation est un droit, y compris quand elle passe par la lutte armée. Les français qui ont résisté à l’occupant en 40 sont des héros, et non des terroristes. Nous pensons seulement que nos enfants ont mieux à faire que de finir en prison ou de mourir en martyr, et qu’on se déshumanise à chaque fois que l’on utilise la violence."


Nous approuvons son propos. Il nous est impossible de nous imaginer dans la même situation, ou de concevoir que toute personne née après 1967 n’a jamais connu son pays sans l’occupation.


Bien qu’il soit tout à leur honneur, le pacifisme de la majorité des palestiniens nous dépasse.

Baptiste, Katia, Malika, Vivian.



De : Sud Etudiant Le Havre
lundi 12 avril 2010
 



(Mis en page, relu et corrigé par nos soins. Steph pour : N.I)--

 

http://nosotros.incontrolados.over-blog.com/"les amis du négatif à l'oeuvre".

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commentaires

N
<br /> <br /> Il reste dommage que l'argumentation persiste sur des bases comme "le pacifisme" en pleine guerre, que soient invoqué "Le Droit des Palestiniens" à un<br /> Etat Palestinien...<br /> <br /> <br /> Comme si les Etats garantissaient quelque chose d'autres aux peuples que de les contenir, de juguler leurs révoltes, ettouffer toute insubordination aux<br /> fonctionnements et diktats  du système dans lequel ils s'inscrivent tous...<br /> <br /> <br /> Au mieux s'entendent-il tous pour assurer aux "peuplex" placés sous leurs coupes quelques miettes de Droit comme de s'esbigner au turbin et dans le pire des cas à des<br /> conditions de détention décentes...<br /> <br /> <br /> Entre-deux, d'aller se faire tuer dans des guerres de préférence lointaines mais tellement démocratique!<br /> <br /> <br /> La réalité du soutien aux peuples oprimés n'est pas de leur offrir un ETAT mais de les abolir tous.<br /> <br /> <br /> Banalités de base.<br /> <br /> <br /> <br /> Steph.<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Il rete dommage que l'argumentation persiste sur des bases comme "le pacifisme" en pleine guerre, que soient invoqué "Le Droit des Palestiniens" à un Etat<br /> Palestinien...<br /> <br /> <br /> Comme si les Etats garantissaient quelque chose d'autres aux peuples que de les contenir, de juguler leurs révoltes, ettouffer toute insubordination aux fonctionnements du<br /> système dans lequel ils s'inscrivent tous...<br /> <br /> <br /> Au mieux s'entendent-il tous pour assurer aux "peuplex" placés sous leurs coupes quelques miettes de Droit comme de s'esbigner au turbin et dans le pire des cas à des<br /> conditions de détention décentes...Entre deux d'aller se faire tuer dans de guerres de préférence lointaines<br /> <br /> <br /> La réalité du soutien aux peuples oprimés n'est pas de leur offrir un ETAT mais de les abolir tous.<br /> <br /> <br /> Banalités de base.<br /> Steph.<br /> <br /> <br /> <br />
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